La poésie est l’art de prédilection du gardien du Temple des Arts. Passionné par celui-ci, il a plaisir à créer des œuvres toujours plus exceptionnelles. Vous plairait-il d’assister à la naissance de sa plus belle création ?
Le Poème Forgé : Création
Au sein d’Eternera, je porte le titre pompeux de maître poète. C’est ainsi que l’on me nommait avant même que je devienne gardien, ma maîtrise de l’art lyrique m’ayant permis de vite gagner en renommée. Je consigne chacun de mes poèmes dans un unique recueil : l’Euterpae Liber. Il s’agit d’un ouvrage enchanté d’une infinité de pages dont le nom rend hommage à Euterpe, la muse de la poésie lyrique. J’ai, par ailleurs, découvert qu’en votre monde vous la voyez encore et toujours comme la représentante de la musique. Je le concède, c’était autrefois le cas, mais il y a déjà bien longtemps qu’elle a légué le titre de muse de la musique à la troublante Mystia. Concernant les poèmes que j’ai composés durant ma vie de gardien, le plus formidable de tous est le Poème Forgé, l’unique poème matérialisé connu d’Eternera. J’y avais brièvement fait référence lors de la première de ces chroniques. Et bien, il me semble que le moment est venu d’aborder sa création.
Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, laissez-moi vous parler de ce que l’on nomme les lignes d’onirisme. Il s’agit d’un pouvoir assimilé aux Rêves, l’une des plus puissantes sources de magie du multivers. La manière la plus classique de les utiliser reste de les tracer dans les airs du bout du doigt, mais une flamme, un chant ou tout autre vecteur d’énergie peuvent servir de ligne d’onirisme. En elle-même, cette dernière n’a aucun sens et est sans réel début, sans réelle fin. Cependant, elle en donne à ce qui n’en a pas. Il s’agit, en quelque sorte, de la transcription la plus pure d’un rêve ou d’une pensée. Ce que l’on matérialise par le biais de cette magie est à la fois éphémère, infini et existe hors du concept de temps.
Une métaphore sera plus parlante : représentez-vous une balance. Des poids, symbolisant la Volonté universelle, la font constamment pencher du côté de ce qui est pour nous la réalité. Pour modifier cette dernière, il nous faudrait apposer un poids sur le plateau opposé afin de pouvoir posément imposer notre propre volonté. Ce poids, voyez-le comme un tas de sable soumis à un vent destiné à rétablir l’ordre originel que nous cherchons à perturber. Nous devrions continuellement alimenter ce monticule afin d’incliner la balance aussi longtemps que nous le souhaitons. Dès l’instant où nous cesserions d’ajouter du sable, celui-ci terminerait de s’évanouir jusqu’à ce que la Volonté universelle reprenne le dessus. Ce tas de sable est notre ligne d’onirisme.
Si je vous parle des lignes d’onirisme, c’est que le Poème Forgé n’aurait pas pu être créé sans elles. Notre histoire commence alors que l’idée de donner vie à une telle œuvre venait de germer dans mon esprit et que j’arpentais paisiblement les couloirs du palais…
Matérialiser un poème… Ce projet me plaît, mais comment faire ? La seule magie que je connais et qui pourrait m’aider dans cette entreprise est la ligne d’onirisme. Mais c’est une action éphémère sur la réalité, comment mon œuvre pourrait-elle perdurer ainsi ? À une certaine échelle, la vie est éphémère, mais elle est loin d’être aussi fugace qu’un souffle de vent. Serait-ce faisable de rédiger un poème vivant ? Après tout si nous vivons, c’est bien parce que notre désir d’exister est suffisamment fort pour nous le permettre. Si mon œuvre détenait cette volonté, alors elle devrait pouvoir peser sur la balance…
Plongé dans ma réflexion, je ne vois pas la silhouette féminine qui surgit devant moi avant d’entrer en collision avec elle.
« Et bien, je sais que tu m’aimes, mais ce n’est pas une raison pour me sauter dessus à la moindre occasion !
– Oh, pardonne-moi Akane. J’étais focalisé sur mes pensées, tu m’as surpris…
– Ce n’est pas grave, tu es mon poète tête en l’air après tout ! Cela dit, tu tombes bien, je partais justement à ta recherche. J’ai un cadeau pour toi !
– Ah, qu’est-ce donc ? »
Akane me tend une plume de harfang des neiges pour la rédaction.
« Je l’ai nommé Buliss, la plume ensanglantée. Elle possède la particularité de permettre l’écriture sans qu’il soit nécessaire d’en tremper l’extrémité dans un encrier.
– Tu veux dire qu’elle génère de l’encre ?
– Bien sûr que non ! Elle saigne ! Je te rappelle que je suis la muse du sang, pas de l’encre.
– Effectivement, vu comme ça… Et bien, merci beaucoup. Je pense qu’elle va m’être très utile. Je m’en servirai dès demain pour une grande création !
– Ah bon ? Qu’est-ce que tu nous prépares ?
– Ce sera une surprise. J’ai envoyé un aigle long-courrier au Seigneur Lô pour qu’il accepte de faire venir ici quelques-uns de ses guerriers. Ils protégeront le palais pendant que je serais affairé.
– À ce point-là ?
– Oh que oui ! Ils sont arrivés il y a quelques minutes et je me dirigeais vers ma chambre pour faire mes préparatifs. Mais tu en sauras plus quand j’aurais terminé mon œuvre.
– Oh, très bien. Amuse-toi bien alors, je retourne à l’atelier !
– Compte sur moi ! À plus tard. »
Nous nous séparons et je rejoins ma chambre sans attendre. Cette petite bousculade m’a réveillé. J’ai suffisamment réfléchi, il est temps d’agir. Une fois sur place, je m’empare d’un livre vierge. Cela suffira amplement avec la plume qu’Akane vient de m’offrir. Je ressors et me dirige vers la salle dans laquelle j’ai l’intention de mener à bien la rédaction du poème. Celle-ci n’est généralement pas utilisée. Ses murs sont faits d’onyx noir. Au plafond, une unique sphère de lumière tente d’imprimer des reflets sur ses parois sans y parvenir aussi bien que l’on pourrait l’espérer. Elle est suffisamment spacieuse pour me permettre de créer ma nouvelle œuvre. Il n’y a dans cette pièce aucun meuble. Mais qu’à cela ne tienne. Cela m’offrira de l’espace supplémentaire.
Il est temps maintenant de se mettre à la “rédaction”. Tout en me maintenant dans un état de méditation constant, je me concentre sur le poème. Je lève la plume au-dessus du livre et y laisse tomber la première goutte d’hémoglobine. Déjà, elle agit sur la mana alentour. Alors, plus aucune interruption n’est tolérée. Je trace sans discontinuité les vers par le biais des lignes d’onirisme. Dans leur première forme matérialisée, les strophes flottent autour de moi sous la forme de sphères bleues de plus en plus nombreuses. Puis elles fusionnent donnant corps au poème étape par étape.
Je décris dans un premier temps les beautés du monde d’Eternera et quelques-uns des mystères que je connais à son sujet. Un cylindre apparaît dans les airs enveloppé d’un tissu sur lequel s’imprime une image des territoires explorés d’Eternera. Je compose ensuite des strophes pour rendre hommage à ma compagne, la muse du sang. Une sphère de cristal se forme à l’une des extrémités de ce qui se présente comme une poignée. Elle se teint d’un rouge profond. Une bague de métal encercle cet orbe qui fait office de pommeau.
Ajoutant dans les vers suivants quelques références à la muse des jardins, une garde en bois de chêne millénaire prend corps et s’installe à l’emplacement qui lui est destiné. Y sont gravés des plumes de harfang semblables à celle que j’agite en ce moment même. D’autres sphères s’assemblent et forment, au fur et à mesure de leur fusion, la longue lame d’une arme de style médiéval. Je chante ainsi les louanges des nombreux guerriers légendaires qui arpentent le sol de notre monde. Arrivé à ce point mon esprit visualise déjà comment augmenter la perfection de ce poème.
Une ligne d’onirisme est tracée et l’un des vers de l’orbe de cristal est extrait. Associé à une nouvelle strophe rendant plus encore hommage au sang, un katana à la lame rouge se dévoile. L’air autour est perturbé, comme si le métal était brûlant. La poignée est couverte d’un laçage de tresses en lin noir. La garde à la forme d’une demi-lune et le pommeau se voit muni d’un cache de métal d’où pendent deux cordelettes argentées.
Une autre ligne me permet d’extraire un vers de la gravure de plumes figurant sur l’épée. À son tour, je l’insère dans une strophe, celle-ci rendant hommage à mon animal totem, comme j’aime à l’appeler, le harfang des neiges. Un oiseau d’une blancheur éblouissante prend vie. Une légère buée glaciale l’environne.
À l’image de Nos et de Sélène, je fais du sabre et de la chouette des combattants. Le katana laisse alors place à une demoiselle à la chevelure violette et à la silhouette élancée. Une longue et fine veste noire vient l’envelopper. Le harfang est remplacé par un jeune homme aux cheveux blancs. Je lui fais revêtir un long manteau argenté.
Tous deux sont inconscients, en suspension dans les airs. Dans les mains de la guerrière, je dépose une strophe sous la forme de deux dagues d’ébène et dans celles du garçon apparaît un arc taillé dans un bois blanc ivoire. Je fais ainsi de chacun d’eux un gardien de l’épée de laquelle ils sont nés.
Vient maintenant le choix du titre. À ceci près qu’il va m’en falloir quatre au lieu d’un. Je baptise d’abord la demoiselle, prononçant son nom tout en le traçant. Celui-ci est en hommage à Akane et commence donc par la même lettre.
« A’kina, demoiselle vampire ! »
Sur le même format, je rends hommage à Sélène l’éternelle en nommant le jeune homme.
« S’onej, prince des glaces ! »
Je baptise maintenant l’épée, rendant honneur à Nos l’éternel en utilisant également la première lettre de son nom.
« N’esel, lame lyrique ! »
Une fois chacun de ces trois éléments nommés, je choisis le titre de l’œuvre complète. Ce sera le Poème Forgé.
L’instant le plus important de la création est maintenant venu. Je dois transposer dans ces trois êtres la version écrite du poème afin de leur donner la maîtrise sur les lignes d’onirisme qui les composent. Si tout se passe comme je l’espère, c’est cela qui leur permettra de vivre. Je décide également de faire cette étape en quatre parties. Une première ligne intègre, au sein de N’esel, ce qui la concerne tout particulièrement. Un “N” est ainsi gravé sur la lame de l’épée. Une deuxième, et voilà qu’un “S” se voit tatoué sur l’épaule droite de S’onej. Une troisième et un “A” prend place sur l’épaule gauche d’A’kina. Enfin, je transpose les derniers vers, correspondant au poème dans son entier, à l’intérieur des trois êtres en même temps. Les lettres prennent une profonde teinte noire.
Dans un ultime effort, je dépose le Poème Forgé au sol avec délicatesse par le biais d’une ligne d’onirisme que je trace dans les airs du bout du doigt. Heureux de ma performance, mais totalement épuisé, je m’évanouis.
Que s’est-il passé ensuite ? Les muses ayant accepté de ne pas me déranger ne s’étaient pas rendu compte de mon état. C’est en effet A’kina et S’onej qui, en prenant conscience peu de temps après leur naissance, m’avaient trouvé assoupi à leurs pieds. Aussitôt, ils avaient appelé de l’aide. Akane et Diane, la muse de l’eau, vinrent bien vite nous rejoindre. S’onej et A’kina avaient en mémoire tout ce que j’avais pu transcrire dans le poème qui les composait et tout ce qui concernait leur création. Ils purent tout expliquer aux demoiselles qui avaient accouru. Cependant, cette histoire ne s’arrête pas là. En effet, alors que les muses prenaient la décision de m’emmener à l’infirmerie, de curieux bruits se firent entendre en provenance du hall d’entrée du palais. Il s’agissait à s’y méprendre d’épées s’entrechoquant…
A’kina et S’onej échangent un rapide regard. Ni une, ni deux, les voilà courant à travers les couloirs en direction de ce son inquiétant. La voix d’Akane résonne derrière eux, leur demandant de ne pas y aller. Mais l’instinct de ces deux jeunes gens est plus fort. Ils sont nés pour être des guerriers.
Lorsqu’ils arrivent sur place, un spectacle morbide s’offre à eux. Un elfe élégamment vêtu d’un ensemble noir de jais aux brodures dorées finit d’achever l’un des guerriers elfiques qui gardaient le palais. Tous les autres gisent au sol, baignant dans leur sang, lequel imprègne également les deux épées et les vêtements du meurtrier. Un rire dément secoue ce dernier avant qu’il ne prenne la parole.
« Je vous avais prévenu que vous choisissiez le mauvais camp ! L’histoire de notre peuple est jonchée de cataclysmes et de souffrances dus à des créations contre nature ! Il ne faut pas défendre cela ! Il faut éradiquer ce fléau ! »
L’elfe cessa soudainement son monologue pour se tourner doucement en direction des deux guerriers-poèmes.
« Vous deux, vous puez à plein nez l’hérésie. Je vous ai senti germer tel des mauvaises herbes et venir jusqu’à moi. Vous êtes des êtres contre nature. Tout comme les plus insensés représentants de mon peuple, le gardien de ce temple a voulu se prendre pour une divinité. Vous n’auriez jamais dû naître. Si je vous laisse en vie, vous nous mènerez à notre perte. Vous et le poète devez mourir. Adieu. »
Ne leur laissant guère l’occasion de défendre leur droit d’exister, l’elfe se dirige vers S’onej, lames au clair. A’kina court à sa rencontre, tandis que S’onej arme son arc d’une flèche de glace apparue du néant. La demoiselle vampire se dresse devant leur ennemi, dagues en avant, mais ce dernier vrille sur lui-même pour éviter l’attaque et poursuit sa course vers le prince des glaces. Un trait givré est décoché, mais l’elfe esquive le projectile. Il atteint sa cible et abat l’une de ses épées, mais A’kina surgit de nouveau face à lui. Elle croise ses dagues pour intercepter cette tentative de mise à mort. S’onej profite de la situation pour s’éloigner d’un bond en arrière. Il bande son arc et laisse filer une flèche de glace qui vient dévier la seconde lame de leur ennemi alors que ce dernier s’apprêtait à embrocher A’kina. L’épée vole à quelques mètres des combattants.
D’un mouvement souple, l’elfe balaie le sol avec sa jambe pour faire chuter A’kina, puis charge à nouveau S’onej. Il se focalise sur son ouïe pour repérer où est la demoiselle vampire et se place en ligne droite entre les deux guerriers-poèmes. Il fait un salto avant pour passer par dessus une nouvelle flèche qui continue sa course vers la sœur de l’archer. Celle-ci, surprise, se voit obligée d’éviter maladroitement le projectile alors qu’elle vient tout juste de se relever. Sachant qu’il a maintenant le champ libre, l’elfe se jette sur S’onej et frappe d’estoc. Le prince des glaces ne se laisse pas leurrer. Il se décale légèrement et use de son arc pour faire une clé de bras à son adversaire, lui faisant lâcher sa seconde épée.
« Vous commencez à m’agacer ! »
Sur ces paroles, l’adversaire de S’onej se saisit de son arc et l’assomme d’un violent coup au visage. Alors que ce dernier s’écroule, l’arc disparaît des mains de l’elfe qui ramasse prestement son épée. Portant à nouveau son attention sur A’kina, il s’extirpe de justesse de l’attaque dont elle voulait lui faire don. Emportée par son élan, la demoiselle vampire dépasse l’elfe. Celui-ci envoie un violent coup de pommeau sur la nuque de la jeune guerrière, la mettant au tapis.
Il se redresse, respire un moment, puis part d’un grand rire. Un rire psychotique et complètement dément. Enfin, se calmant, il s’exprime à voix haute :
« Vous n’auriez jamais dû voir le jour, votre destinée est maintenant de périr ! Je vais vous achever et nul doute que l’on chantera mes louanges jusque dans les lointains territoires de… ! »
L’elfe a brusquement le souffle coupé. Une douleur fulgurante lui transperce le thorax. Baissant le regard, il voit la lame d’une épée qui le pénètre de part en part. Une voix féminine résonne derrière.
« Cette épée est liée aux deux jeunes gens que tu penses avoir vaincu. En te réduisant au silence ainsi, se sont eux qui sont victorieux. »
Akane retire la lame ensanglantée du corps de l’elfe. Celui-ci s’écroule dans un dernier souffle.
Vous l’aurez compris, la muse du sang s’était saisie de N’esel, l’épée que j’avais créée en même temps que S’onej et A’kina. Elle avait rejoint les deux guerriers-poèmes et leur avait sauvé la vie. Ceux-ci eurent d’ailleurs tous les honneurs pour avoir défendu le palais sans hésiter. Par ailleurs, une délégation elfique était arrivée peu après pour venir chercher le corps de celui qui s’en était pris à nous et de tous leurs compagnons assassinés par ce dernier. J’appris par la suite qu’il s’agissait d’un elfe renégat qui avait fui son peuple sous prétexte que la magie était utilisée à mauvais escient pour la fabrication d’armes incontrôlables. Mis au fait ma volonté de matérialiser un poème vivant, il avait pris sur lui d’aller contre mes intentions. Sans doute avait-il découvert ça en espionnant le seigneur Lô, roi des elfes, à qui j’avais faire part de mon projet dans ma dernière missive. De mon côté, je demeurais six jours alité, faible suite à la création du Poème Forgé. À mon réveil, l’on me raconta ce que je viens de vous écrire.
Enfin, pour conclure cette chronique, je vous invite à me suivre pour un court épilogue.
Akane vient de quitter ma chambre après avoir vérifié que je me trouvais en meilleure forme que les jours précédents. Elle m’a, par ailleurs, annoncé que notre muse-médecin m’avait diagnostiqué apte à reprendre des activités normales. Et effectivement, je suis enfin capable de me déplacer sans risquer de m’évanouir à chacun de mes pas. Je prends donc un instant pour me vêtir convenablement avant de sortir. Je traverse les couloirs déserts en direction de la pièce où je m’étais attelé à la création du Poème Forgé. Celui-ci y avait pris ses quartiers, aux dires des muses. J’admire les quelques œuvres nouvelles qui agrémentent le palais. Mon attention est finalement attirée par une fontaine, une œuvre rare au sein du palais. À sa base, un socle semblable à un rocher moussu se voit perforé d’une épée taillée dans la pierre et qui n’est pas sans rappeler N’esel dans un plus grand format. À droite et à gauche de la lame, deux chênes de granite émergent du rocher. Adossé à la poignée et debout sur la garde, deux petites représentations de S’onej et A’kina sont visibles. Un liquide cristallin s’écoule des mains tendues des deux statuettes dans le feuillage des arbres.
« Ça vous plaît ?
– Diane ! Je me doutais bien que tu devais être à l’origine de cette merveille. Cependant, je t’ai déjà dit de ne pas me vouvoyer.
– Oui, désolé, je n’en ai pas encore pris l’habitude. »
Diane est la plus jeune des muses et aussi la dernière en date à avoir reçu ce titre. Elle est la muse de l’eau et a très exactement quinze ans. Son regard bleu pâle est encore franc et ingénu. Ses cheveux courts lui donneraient presque un faux air de garçon manqué si elle n’arborait pas une de ces sublimes robes dites “reine échiquéenne”. Elle porte autour du cou un petit médaillon en cristal en forme de goutte d’eau accroché à une cordelette noire.
« Ta nouvelle œuvre est splendide. Cela faisait déjà quelque temps que j’espérais te voir créer une des fontaines qui ont fait ta renommée. Alors, dis-moi, comment s’appelle-t-elle ?
– Je lui ai donné le titre de Cascade forgée, en référence au nom de votre… euh… de ton poème.
– Et bien, je t’en remercie grandement. En as-tu fait part au Poème Forgé ?
– Non, je l’ai terminée hier au soir. Je n’en ai pas encore eu l’occasion.
– En ce cas, accompagne-moi. Tu pourras leur en faire la surprise. Je partais justement les visiter pour voir ce qui avait été réalisé dans leur… chambre ? Oui, je pense que l’on peut considérer cette pièce comme telle maintenant. Nous y allons ?
– Avec plaisir ! »
Je parcours donc les couloirs en compagnie de Diane. Elle me fait part de ses projets et de ses œuvres en cours. Elle fait preuve, pour mon plus grand plaisir, de ce qui caractérise si bien les muses : une inspiration et une passion sans limites. Je suis véritablement heureux d’avoir pu lui offrir cette place lorsqu’elle m’a été présentée. Quand je pense aux fontaines et autres jeux d’eau qui trônent dans la cité de Hegamon Gor depuis déjà deux ans, je m’en voudrais presque de ne pas avoir découvert son existence auparavant.
Nous arrivons à la salle au mur d’onyx. Je peux enfin admirer le piédestal qui a été fabriqué par les muses pour y déposer N’esel. Dans le coin droit S’onej et A’kina sont assis sur des fauteuils autour d’une table. Ils sont en pleine discussion. Sur la gauche trône une bibliothèque. Je penserai à leur faire visiter celle du palais afin qu’ils puissent remplir la leur des ouvrages qui leur plairont. Et il faudra également que je rapporte un échiquier. Cela pourra les occuper et décorera à merveille leur table. Ils prennent rapidement conscience de notre présence. Ils se lèvent et s’approchent de moi.
« Bonjour J’hall, ravi de constater que tu es rétabli. Tu vois S’onej, il n’y avait pas besoin de s’inquiéter.
– Effectivement, A’kina. C’est un plaisir de te voir en pleine forme et sur pied, J’hall. »
Je regarde ces deux guerriers dont les exploits m’ont déjà été rapportés avec un grand sourire avant de leur répondre.
« Et, en ce qui me concerne, je suis plus qu’heureux de pouvoir enfin vous parler à tous les deux. Et agréablement surpris de vous voir déjà si familier avec moi.
– C’est naturel, tu nous as créés, nous te sommes intimement liés.
– D’ailleurs, nous savons que tu n’attends pas de nous la moindre reconnaissance pour nous avoir donné vie.
– Toutefois, même si nous ne comptons pas te vénérer et te révérer pour cela…
– … permets-nous tout de même de te remercier au moins une fois. »
Alors qu’ils s’adressaient à moi, un sourire en coin sur leur visage, A’kina et S’onej se jettent dans mes bras pour m’étreindre. Je suis surpris, mais heureux et les enlace à mon tour. J’entends Diane rire avant de prendre la parole.
« C’est bon, j’ai trouvé une nouvelle idée pour une autre fontaine !
– Ahah, merveilleux ! Cela dit, il serait peut-être intéressant dans un premier temps de leur montrer ta dernière création, ne penses-tu pas ?
– Oui !
– S’onej, A’kina, vous connaissez déjà Diane, je suppose. »
Les combattants du Poème Forgé tournent leur regard vers la muse de l’eau tout en lui offrant un grand sourire. C’est A’kina qui répond la première.
« Oui, elle est déjà venue nous rendre visite.
– Elle nous a demandé de prendre la pose pendant qu’elle faisait des croquis.
– Mais elle n’a pas voulu nous dire à quoi cela allait servir.
– Ahah, il serait impossible de voir que vous n’êtes pas lié. Votre discours semble toujours sortir d’une seule et unique bouche ! Enfin, quoi qu’il en soit Diane m’a accompagné ici afin de vous faire découvrir sa dernière œuvre. Celle-ci vous éclairera rapidement sur les raisons de tous ces croquis. Vous venez ?
– Nous vous suivons…
– … toi et Diane.
– Fantastique ! Alors, allons ! »
Nous nous dirigeâmes ainsi en direction de la fontaine. A’kina et S’onej félicitèrent longuement Diane pour son travail. Je fis ensuite le tour du palais en compagnie des deux combattants afin de trouver un échiquier et d’emprunter quelques livres à la bibliothèque. Chargés de notre paquetage, nous sommes retournés dans la chambre du Poème Forgé et y avons discuté et joué aux échecs durant plusieurs heures.
J’arrêterai là mon récit. Nous n’en avons pas terminé avec A’kina, S’onej et N’esel, mais nous venons de mettre en place l’un des points les plus importants de ces chroniques. Nous nous retrouverons bientôt pour approfondir tout cela et plonger encore un peu plus dans les mystères du Temple des Arts et de ses habitants !
J’hall Vorondil
La suite ! La suite! La suite!!!
Gros bisouilles m’sieur vorondil!!!
Continue sur ta lancée. 🙂
La suite arrivera bientôt ma petite Suzanne! 😀 On en a globalement fini avec le tour d’horizon de présentation de l’univers, on va pouvoir commencer à rencontrer un peu d’action! :3